Rallye Toulouse 02/10

Mercredi 2 octobre 2024

 

Dernière étape marocaine, la ville impériale de Fès

Image rallye toulouse tarfaya

Nos aventuriers reprennent la voie des airs pour rentrer dans les terres et découvrir l'une des quatre villes impériales du Maroc, Fès. Fondée en 789 par le sultan Idriss Ier, aussi connu sous le nom de Moulay Idriss, la "Reine du Maghreb" abrite la plus ancienne médina du Maroc, mais également la plus grande du monde. Un vrai labyrinthe dans lequel il est facile de se perdre !

Monts et mer

Team numéro 10 : Thierry et Maxime

(The Flying Sharks)

Essaouira - Fès : dernière danse marocaine

Ce matin, au décollage d’Essaouira, le ciel est une mer de bleu, sans une ride de nuage pour troubler notre cap. Le vent nous chatouille les ailes et nos appareils se comportent comme des élèves modèles : bien droits, bien sages, sans même un petit soubresaut. Les moteurs, eux, chantent leur chanson douce, nous rappelant presque ceux des pionniers de l’Aéropostale, mais avec un bonus non négligeable : le pilote automatique et le GPS.

Delaunay et Mermoz auraient sûrement adoré ces petits gadgets...

 

L’altitude grimpe, le Maroc défile sous nos pieds. De l’immensité des montagnes du Rif à l’infini désertique, on a l’impression d’être dans un rêve, ou peut-être en train de visiter l’astéroïde B612 du Petit Prince. D’ailleurs, nous aussi, on a nos moutons, sauf que les nôtres ne sont pas dans des boîtes mais dans des pâturages vus d’en haut, bien vivants et sûrement peu impressionnés par nos acrobaties aériennes.
 

Quelques turbulences au-dessus des collines, comme si la terre voulait nous rappeler qu’ici, c’est elle la maîtresse des airs. Mais rien ne nous détourne de notre mission, bien déterminés à rejoindre Fès, cette cité millénaire qui nous tend les bras, un dernier clin d'œil du Maroc avant notre retour vers le nord et l'Espagne.

Le bj des flying sharks admire les 737 decoller a essaouira

le BJ des Flying Sharks admire les 737 décoller à Essaouira

 

Thierry et maxime dans leur da40

Thierry et Maxime dans leur DA40

 

Paysage 1

Paysage 2

Paysage 3

Petit à petit, en arrivant sur Fès, le relief est de plus en plus présent et nous offre des paysages sublimes et des contrastes de couleur époustouflants

 

L’approche sur Fès est sublime : la ville s’étale sous nos ailes comme un joyau au milieu des montagnes.

Dernière étape marocaine, dernier atterrissage sur cette terre qui a vu tant d’aventuriers passer.
 
Fès ancienne capitale du Maroc est de loin la plus authentique, la plus coranique des villes du Royaume. N’hésitez pas à visiter une école coranique, vous y découvrirez la calligraphie arabe et les richesses de cette longue histoire. On se perd facilement dans les dédales de la médina, remplis de couleurs et d'odeurs exotiques.

 

On finit cette journée avec un sourire aux lèvres et le cœur léger, prêts pour la suite de cette grande aventure (et le dernier tajine !).

  

Medina 1

Medina 2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La médina de Fès et ses milliers de ruelles. On doit passer plusieurs jours dans la ville pour avoir le temps de tout visiter. Les quartiers de la médina s'organisent autour de differentes professions : les tisseurs, les dinandiers, les teinturiers, etc...

 

Riad

Les participants sont répartis dans différents riads situés aux quatre coins de la ville. L'architecture et les décorations sont splendides.

 

Histoire et petites histoires de Jean-Claude Nivet

Nous voici à Fez, où Paul vachet rencontra Pierre Deley lors de l'installation du tronçon Casa-Fez-Oran en octobre 1922. Ces aventures sont à lire dans son livre passionnant :"Avant les jets", de Paul Vachet. Avec "Tout pour la Ligne" de Raymond Vanier, je crois que ce sont les deux ouvrages les plus complets en anecdotes et en "secrets d'Histoire" sur "les petites histoires d'une grande Ligne". Ce sont deux pilotes et organisateurs des LAL, de l'Aéropostale, d'Air France et de la "Postale de nuit" pour Vanier, à lire absolument ...

Nous allons découvrir les premiers souvenirs du jeune pilote André Dubourdieu, lors de sa première panne sur les plage d'Espagne, à Torredembarra, en septembre 1924 ; l'aventure de Jean Baptiste Rugammer et du prince Achille Murat à Motril, que nous survolerons peut-être demain avant notre arrivée à Alicante.


Le 11 janvier 1978, André Dubourdieu écrivait à Monsieur Edmond Petit, conservateur du Musée Air France :

" Cher Monsieur,

     C'est un si modeste envoi pour la richesse de votre Musée, que j'hésite à vous l'adresser. Ce petit travail fut effectué par Jean Arcaute, qui était pilote aux L.A.L lorsque j'y arrivai l'an 1924. Nous nous partagions le courrier au départ de Barcelone avec Jean Mermoz et lui. Hiver très dur, hiver 1925, c'est Jean Arcaute qui m'apprit comment utiliser les courants ascendants dans ce très sale coin entre Taragona et le détroit del Ebro qui nous valait des vents de 100 Kh. parfois et davantage exceptionnellement. Jean Arcaute quitta assez tôt le pilotage où il excellait. [...] J'ai utilisé vers 1925 les petits feuillets collés sur carton.

      Et veuillez agréer, cher monsieur, l'expression ou sentiment toujours fidèle, respectueux mais cordial.

André Dubourdieu "

        

 

   Ces petits feuillets collés sur carton sont à découvrir dans les illustrations jointes. Ah, je ne vous ai pas dit un petit détail important : André Dubourdieu a été le premier chef d'Aéroplace de Cap Juby, c'est une autre histoire pour l'année prochaine !

Je soumets à votre analyse les documents suivants : Une page du carnet de vol de Vanier signalant le premier vol, ou l'un des tous premiers sur la ligne Toulouse-Barcelone de Jean Mermoz, document unique, un des feuillets du projet de Latécoère du développement "tous azimuts" de PGL, de sa propre écriture, que nous développerons l'année prochaine... d'une note de Didier Daurat du 12 juillet 1924 concernant le développement du trafic des LAL et l'impossibilité de transport des personnels de la Compagnie...  et de quelques autres. Malheureusement, je suis obligé de "me limiter drastiquement" !...
     
Bonne découverte, Jean Claude.

Certificat d obtention de passeport jean arcaute

Certificat d'obtention de passeport Jean Arcaute

 

Feuille de renseignements de jean baptiste rugammer

Feuille de renseignements de Jean Baptiste Rugammer

 

Aeroplace de barcelone

 


« TOUT POUR LA LIGNE » - RAYMOND VANIER

   «  Fin 1924, notre activité ne faiblit pas, faite de routine peut-être mais combien accaparante. Nous comprenions parfaitement ce que représentait ce courrier que nous transportions, car nous attendions nous-mêmes les lettres de France, nous savions ce que, dans certains cas, vingt-quatre heures de retard représentaient d'inquiétudes.

     Ne croyez pas que nous étions favorisés, nos lettres nous arrivaient par la poste locale, c'est-à-dire pas bien vite. Faute d'une entente avec l'administration des postes espagnoles, nos appareils n'étaient pas autorisés à déposer ou à emporter du courrier aux escales : rien en dehors des plis officiels de la compagnie faits de consignes, d'observations, de directives, de sanctions, jamais de félicitations ou même d'encouragements. Nous étions taillables et corvéables à merci et les préoccupations propres à la ligne devaient prendre le pas sur nos soucis personnels.

     Chaque jour, tant que le courrier service n'était pas ouvert, nous nous sentions sous la dépendance directe de celui qui de Montaudran dictait nos pensées, nos activités, nos destinées. Il rédigeait ses notes en négligeant nos individualités mais il savait, je dois le reconnaître, obtenir une parfaite homogénéité de nos efforts. Seulement lorsque l'enveloppe cachetée avait livré ses secrets ou ses redites, nous retrouvions un sentiment de liberté. Nous étions loin de tous, indépendants, sans contrainte... jusqu'au prochain courrier !



     Un jour l'un de ces plis m'avisa que ma présence à Malaga n'était plus indispensable et que je pouvais rendre davantage de services à Barcelone; le pilote désigné pour me remplacer devait arriver incessamment.

     ... Le 3 novembre 1924 nous vîmes, ma femme et moi, depuis l'avion régulier, s'effacer Malaga. Nous allions connaître un nouveau séjour en 
Catalogne. »

Tout pour la ligne

 

SECOND SÉJOUR À BARCELONE

 

  Le premier contact fut émouvant, ne nous rappelait-il pas les débuts de notre mariage. Nous flânâmes avec plaisir dans Barcelone retrouvé. Depuis deux ans plusieurs chefs d'aéroplace s'étaient succédé, les uns démis, les autres ayant pris les devants. Tous s'étaient aperçus qu'il était plus facile d'obéir aux consignes reçues que de donner des ordres et de les faire exécuter.

     Lorsque j'avais quitté le terrain en 1922, celui-ci était en amélioration constante.

Hélas ! je le retrouvai sillonné d'ornières profondes remplies d'eau; à nouveau, avions et personnel s'enlisaient à qui mieux mieux. La boue semblait vouloir gagner la partie et le travail s'effectuait avec une bonne volonté émoussée. Il était temps de réagir sinon ce cloaque nous aurait fait disparaître tous.

     [...] La mauvaise saison, celle des nuages bas restreignant la visibilité, s'annonça par un accident. Georges Payan, pilotant l'avion courrier de Perpignan jusqu'à Marseille, emboutit les Cévennes, près d'Aiguevives, et périt dans le brasier qui s'alluma instantanément.

     Ce coup du sort servit peut-être à stimuler les énergies et le contact des nouveaux pilotes qui achevaient leur entraînement favorisa également ce regain de foi. Beaucoup prirent rang dans la ligne au cours de cette année, ils avaient noms : Dubourdieu, Mermoz, Drouin, Guillaumet, Reine, Etienne, Antoine, Lécrivain et d'autres encore; ils essayaient leurs ailes entre Toulouse et Barcelone.

     Ce fut l'occasion d'un changement en chaîne, ceux qui, jusqu'alors étaient affectés à Barcelone ou à Malaga, le furent à Casablanca ou à Toulouse. Chaque pilote devait assurer deux étapes: à l'aller Toulouse-Barcelone-Alicante et au retour le même itinéraire après échange du chargement.

     Si, en cours de route, l'un ou l'autre était soit fatigué soit impressionné par le mauvais temps, je le remplaçais; si un accident risquait de perturber l'horaire, je devais m'efforcer d'éviter le retard. Ces incertitudes, ces fatigues ajoutées aux soucis de l'escale laissaient peu de détente.

     Il arrivait aussi, par bonheur assez rarement, que des erreurs étaient commises. J'ai vu par exemple revenir à Barcelone le courrier parti la veille pour Alicante et Casa et la même chose s'est produite dans l'autre sens. Il fallait tenter d'expliquer cela à Toulouse d'où un échange de notes, d'où aussi une sanction justifiée.

Caps compas dubourdieu

Caps compas Dubourdieu


 


JEAN MERMOZ  SUR LA LIGNE
UN TEMOIGNAGE HISTORIQUE INCROYABLE RAYMOND VANIER

    Le 16 février 1925, j'assurai le courrier "Tolun" de Barcelone à Alicante avec Jean Mermoz comme passager. Ce jeune pilote avait terminé sa série de voyages d'entraînement. Je n'allais le revoir qu'à intervalles irréguliers, bientôt ou dans très longtemps comme, d'ailleurs, tous les camarades de la ligne. Nous nous séparions et nous nous retrouvions sans étonnement, sans même garder une notion exacte du temps. Mais au fait, nous séparions-nous vraiment? Les nouvelles des uns et des autres circulaient tout au long de la ligne, soit à l'occasion de notes de service, soit parce que l'un ou l'autre faisait les frais d'une anecdote.


       Que lui était-il arrivé ? Nous nous le demandions et nous guettions la sonnerie du téléphone. A 17h30, ce 25 juillet 1924, une voix espagnole prononça le mot "désastre ". Nous l'entendions souvent ce mot qui n'a pas la même valeur dans les deux langues mais cette fois, hélas ! il s'agissait bien d'un désastre. L'avion s'était écrasé dans un marécage en bordure de la plage de Motril, pilote et passagers étaient sérieusement blessés.
       Avec un autre pilote et un mécanicien, je partis aussitôt pour mon
cent quinzième dépannage; lorsque nous atterrîmes à 18 h 35, il était trop tard pour transborder le courrier et poursuivre avant la nuit.
       Alors que le second pilote s'envolait le lendemain matin à la première heure, je rendis visite aux blessés. Le plus touché était Rugammer, il avait les deux jambes brisées et de multiples contusions.
       Quelques jours plus tard, ayant conduit M. de Massimi au chevet des blessés, il me raconta comment cet accident s'était produit :
       -- Par un temps superbe je survolais la région de Motril quand le moteur s'est arrêté dans un grand tintamarre. J'ai été surpris et j'ai dû attendre trop longtemps avant de descendre. L'avion lourdement chargé s'est mis en perte de vitesse, il amorça des tours de vrille avant de s'écraser en bordure de la plage.
       Fort heureusement Rugammer était tombé à l'intérieur des terres et les marais spongieux avaient atténué le choc. Sur la plage même, en mer ou en tout autre endroit, c'eut été la mort certaine. Le destin a parfois de ces attentions !...
       Bien soignés, les deux passagers, le prince Achille Murat et H. Caillaud, de Casablanca, furent vite sur pieds. Quelque dix jours plus tard, je les conduisis jusqu'à Alicante.
       Fin août, je transportai Rugammer à Toulouse ; son état nécessitait des interventions chirurgicales délicates. Il retrouva l'usage de ses jambes et, par la suite, reprit une activité aéronautique dans une autre compagnie.

"Tout pour la Ligne
Raymond Vanier "

Note de didier daurat a massimi

Note de Didier Daurat à Massimi

 

ANDRE DUBOURDIEU - SOUVENIRS

      «  En dépit de tout l’optimisme de mes vingt-trois ans, je connus, en m’insinuant dans ma peau civile retrouvée, quatre mois déprimants dans une oisiveté lourde d’inquiétudes devant un avenir incertain…
Une organisation existait qui permettait alors aux pilotes militaires de s’entraîner : les “Centres d’entraînement des pilotes civils”…

     Ce 4 août 1924, le facteur dont je guettais le passage depuis tant de jours venait de me remettre un pli portant en-tête des “Lignes aériennes Latécoère”… On me convoquait à Toulouse… Le jeune pilote qui présentait au concierge sa lettre de convocation se voyait conduit vers le bureau et introduit chez le chef : Daurat…

     Depuis ses débuts jusqu’en 1924, sur la ligne Latécoère, tous les pilotes avaient été formés par la guerre 1914-18. Daurat venait d’inaugurer le recrutement parmi les générations postérieures… Nanti du brevet de transport public et ma licence valide, j’avais en poche les clés qui m’ouvraient les portes de la Ligne… Quel beau souvenir que celui du matin où l’on partait en passager pour le “voyage de reconnaissance”, jusqu’à Casablanca …

     L’insécurité des moteurs devait rester présente à l’esprit. Certes, nous n’allions pas tendus d’angoisse, mais il importait de ne point oublier qu’on pouvait compter en moyenne sur une panne par cent heures de vol et par pilote…

     1924, c’était un de mes premiers voyages en service régulier, un de mes premiers courriers. Parti d’Alicante trois heures plus tôt, l’étape s’achevait dans la facilité ; dans moins d’un quart d’heure j’atteindrais Barcelone et je rêvais, fier de ma cargaison et de deux passagers. Il faisait grand beau temps et la côte orientale d’Espagne défilait sous mes plans… Soudain, trois ou quatre secousses ébranlèrent mon appareil qui vibra pendant quelques secondes et un choc, le moteur bloqué rendit son dernier soupir : l’embiellage venait de se rompre…

     Posé devant le petit village de pêcheurs de Torredembarra, je pus téléphoner rapidement au chef de notre escale de Barcelone, Vanier qui, une demi-heure plus tard virait au-dessus de nous, atterrissait et venait se ranger plan à plan auprès de notre avion… Cinq minutes s’étaient à peine écoulées depuis l’arrivée du dépanneur que, les passagers réinstallés, j’escaladais le poste de pilotage, je roulais vers l’extrémité de la plage, je virais et je décollais… Tout au moins, je tentais de le faire, mais impossible de prendre de la vitesse dans le sable mou qui freinait les roues ; la brise de mer gênait aussi, qui soufflait par le travers de mon axe de décollage. Une meilleure réussite ne termina pas une seconde tentative. Ce ratage me laissait anéanti et diminué. Vanier qui arrivait tout essoufflé par sa course dans le sable escaladait le marchepied et, dans le vent de l’hélice m’expliquait en deux mots les raisons de mon échec, m’indiquait la manœuvre et sautait avec un sourire que soulignait un geste de la main très amical. J’avais compris, je roulais, l’avion, accélérant cette fois, se libérait progressivement de l’étreinte du sable, il ne l’effleurait plus qu’à peine et, prenant appui sur l’air, il décollait. Je venais de m’enrichir d’une petite expérience.

     Vanier aurait pu transgresser la règle pour prendre ma place aux commandes de l’avion courrier, en exploitant mon insuccès et en profitant de ses prérogatives d’ancien autant que chef d’Aéroplace devant un néophyte. Il n’en fit rien et me rendit cette confiance en soi qui m’avait un moment quitté, sans laquelle on ne saurait rien réussir.

Et je n’oubliai point cette marque d’une amicale courtoisie. »

Souvenirs
André Dubourdieu

 

Andre dubourdieu corrigee

André Dubourdieu

 

Brouillon discours de pg latecoere lal

Brouillon discours de PG Latécoère, LAL

 

 

 

 

Remerciements bis

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rapport incident delaunayRapport incident delaunay suite

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rapport incident Delaunay

 

LA CHANCE ÉTAIT AVEC NOUS

  C'était donc vraiment normal de monter là-dedans sans rien voir ?... Comment continuer à attendre passivement sous cet électrisant ronflement ! J'étais soudain aussi décidé à décoller que mon compagnon.

     La chance était avec nous; à la troisième traction sur l'hélice d'un Hamed survolté par l'idée du départ, notre Renault se remit à faire du vent. Sans plus attendre, mon interprète s'accrochait à l'aile pour me faire pivoter face au sud et je me trouvais, presque trop rapidement, prêt à décoller sur la partie de plage sûrement sans obstacles !

     Je savais commettre une folie en me lançant ainsi, mais je ne pouvais plus me résigner à l'immobilité ! Ma vanité de débutant me regardait faire. J'étais dans l'état d'esprit d'un homme tenant un « banco » les poches vides, pour épater une « ravissante ».
     ... C'est fait ! J'ai ouvert les gaz mais je n'ai guère l'impression de prendre de la vitesse; l'écran de brume est toujours à la même distance devant moi. Sous mes roues, l'uniforme tapis de la plage devient à peine plus flou. J'écarquille les yeux désespérément, mais seul le ressac précipite son écume au-devant de mon aile droite. J'ai l'impression que mon moteur « n'arrache pas », mais je pense aussi, bientôt, qu'il serait temps de tirer sur le manche. Cependant, à la crainte de freiner prématurément ma machine, s'ajoute peut-être un peu trop celle d'abandonner ces dernières choses qui me sont encore perceptibles du sol... Soudain je réalise que mes pneus se sont d'eux-mêmes séparés du sable! Presque en même temps, sans savoir si c'est parce que je vire, la ligne de lames passe sous mes roues et s'infléchit brusquement à gauche...


AVEC LES FESSES

  Là s'arrête la partie racontable de mon équipée. Je suis passé par tant d'impressions différentes au cours de cette première ascension sans visibilité que, pour en préciser les détails, il me faudrait forcément la romancer. Mon compte-tours passait de 1 650 pendant les cabrés à 2 200 dans les piqués ; l'instinct de conservation aidant, je compris vite que cet instrument aurait pu me renseigner énormément sur ma position, si j'avais été plus expérimenté. M'accrochant de mon mieux à ses indications, pour conserver mon assiette, j'interrogeais aussi mes fesses dont j'avais, si j'ose dire, mobilisé le centre nerveux.

     Tout cela n'empêchait pas que, par moments, je me sentais désagréablement allégé ; je devais alors, de toutes mes forces, me cramponner au secteur de la manette des gaz et au manche. J'avais négligé de boucler ma ceinture de siège et cela n'arrangeait rien.

     Au bout de cinq ou dix minutes de cet exercice (je n'aurais su dire) ma prison de brume était toujours aussi sombre. Lorsque je pris le temps d'interroger l'altimètre qui virevoltait au bout de la ficelle que j'avais au cou, je fus atterré !... Cet instrument me situait presque au sol ! Etais-je parti pour m'écraser sur le sable, ou, au contraire, pour un plongeon très au large de la côte ? Le fait d'avoir oublié de remettre mon altimètre à zéro avant de partir me rassurait et m'inquiétait à la fois... Je décidai subitement de ne plus me soucier de mon équilibre latéral, ni du gouvernail de direction, pour ne m'occuper exclusivement que du régime moteur. Je bloquai donc mon palonnier, bien au milieu de sa course, en le coinçant des talons. Hélas! l'instant d'après, une glissade faisait vibrer les haubans, le vent de côté m'arrachait presque les lunettes et je n'aurais pu garder le palonnier absolument immobile... Si j'avais eu le temps de me le demander, je n'aurais su pourquoi je « mettais » du manche à droite plutôt qu'à gauche, ou du pied à gauche plutôt qu'à l'opposé ? Mon moteur, heureusement, tournait assez rond, mais je le sentais chauffer terriblement, à force d'être malmené plein gaz.

Image de l avion de mermoz en plein vol

J’APERÇOIS ENFIN L’AVION DE MERMOZ EN EMERGEANT DANS LE CIEL D’AZUR

Cependant, les écarts de ses vitesses de rotation diminuaient depuis que j'économisais mes mouvements de pieds. Lorsque j'osai regarder de nouveau mon altimètre, je fus agréablement surpris de voir son aiguille plus près de 100 mètres que de 50. Cela me redonna confiance et pondéra mes réactions. Je me permis même le luxe de refermer un peu la manette des gaz. Quand l'épaisse vapeur, autour de moi, commença à blanchir, je compris que j'allais gagner !... En une apothéose que je n'oublierai jamais, j'émergeais enfin dans un ciel d'azur, au-dessus d'un océan de crème neigeuse. Au mât de cocagne de l'audace, j'avais même gagné un soleil tout neuf qui me conseillait de virer, car je faisais cap vers l’est. Au bout de quelques minutes, Hamed me tapait sur l'épaule en me désignant quelque chose devant moi; au comble de l'enthousiasme, je pus distinguer l'escarbille noire que faisait l'avion de Mermoz dans toute cette lumière. Un quart d'heure après, nous arrivions à l'extrémité du banc de brouillard et recommencions, comme s'il ne s'était rien passé, à grignoter la côte monotone. Jamais on n'eut vent, à Toulouse, de cet atterrissage hors programme et je rends grâce, là encore, à mon précieux équipier. Le Patron avait beaucoup moins tendance à admirer ces sortes d'équipées qu'à les classer dans les inutiles batifolages.
Henri DELAUNAY.

  L'année suivante, en 1928,Delaunay sera aussi l'équipier de Mermoz en AMS, Amérique du Sud, sur le tronçon de Rio à Buenos Aires. Une compétition féroce et amicale s'engage entre ces deux pilotes sur les vols de nuit à mettre en place : pure folie et pourtant. Il faut bien rattraper le retard perdu la nuit sur les bateaux, que de temps perdu ! Jean Mermoz,avec l'accord de Julien Pranville, initiera les vols de nuit sur ce tronçon périlleux le 16 avril et le 7 mai, c'est  la catastrophe et l'incendie à bord du Laté 26 du pilote Delaunay, du mécanicien Marsaud et de deux journalistes brésiliens, l'accident de Florianopolis, à découvrir le rapport dans les pièces jointes et surtout dans son livre de souvenirs :"Araignée du soir". L'histoire se finit bien, je vous rassure...


La ligne Toulouse - Buenos Aires est ouverte
depuis le 1er mars 1928 :

     " ... Et puis, j'ai tellement la poisse ces temps-ci ! ... Depuis deux mois que Mermoz et moi nous assurons la liaison hebdomadaire entre Rio et Buenos Aires, je ne me souviens pas d'avoir eu, une seule fois, du vent favorable. c'est toujours Mermoz qui bat des records de vitesse, aussitôt claironnés par les presses locales, et je suis forcé d'avouer que cela m'agace un peu."

Carnet mermoz santos rio

Carnet Mermoz, Santos - Rio
 

 

 

INSPECTION GÉNÉRALE DE DIDIER DAURAT EN AMÉRIQUE DU SUD 1929

   De retour d'inspection en Amérique du Sud, DD, Didier Daurat, fidèle à ses habitudes, rédige de nombreuses notes et appréciations de tous les personnels rencontrés. Au sujet de Mermoz et Etienne, à Buenos Aires, en voici la synthèse, un document incroyable de la Fondation Latécoère :

    Jean Mermoz : Excellent chef d'aéroplace. Très intelligent et équilibré. Pilote d'élite, modèle de courage, de dévouement et de modestie.  Fait ses étapes régulièrement et simplement, parfaitement discipliné. Par son exemple a su entraîner les autres pilotes pour vaincre les difficultés de la ligne. Nous lui devons notre régularité.

     Victor Etienne : Excellent pilote, consciencieux et dévoué, nous donne entièrement satisfaction à tous égards. Pendant les absences de Mermoz dirige l'aéroplace de Buenos Aires avec beaucoup d'intelligence.

Message de felicitations pour un pilote remplacant mermoz

Affiche resultat d exploitation 1929


Remerciements bis

 
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