Rallye Toulouse 25/09
Mercredi 25 septembre 2024
Direction la lagune de Dakhla, au pays des kitesurfeurs
11h, le ciel est radieux et les avions du Rallye s’élancent sur les 650m de la piste de Juby, laissant derrière eux un nuage de poussière vite emporté par l'alizé. Après une magnifique nuit au bivouac, à quelques pas de l’ancien fort espagnol chacun repart vers le sud …. des souvenirs plein la tête.
Les enfants de Tarfaya avec le matériel scolaire
Team numéro 5 : Véronique et Yves
Inoubliable !
Impatients à nouveau de découvrir une nouvelle aventure aéronautique, nous voilà repartis pour L'AVENTURE du jour depuis la piste mythique de Tarfaya.
Pour ce périple exceptionnel, à bord de notre SR22, nous devenons des baroudeurs du ciel, nouveaux aventuriers planants, quelle excitation !
Ceintures bouclées, nous décollons de TARFAYA "la merveilleuse" ce matin, avec des conditions météo excellentes et 10 kt de vent de face qui facilitent l'envol, pour un vol qui nous élève au-dessus d'une terre de plus en plus aride.
Le survol de la côte et ses plages infinies nous permettent de faire un vol sans contrainte, en toute sécurité.
L'étendue orange à perte de vue, au-delà de la côte, nous hypnotise. Que c'est beau !
Nous longeons la côte ouest du Maroc chère aux pionniers de l'Aéropostale et nous nous glissons ainsi, un tout petit peu (!) dans la peau de ces aventuriers du siècle dernier.
Être là, flottant au-dessus de la Terre, reste une expérience indescriptible. Nous en mesurons le privilège. Nous goûtons à un plaisir permanent et remplissons notre boite à souvenirs.
Tout y est : l'aéronautique, le partage, les rencontres, les amitiés, l'ailleurs, l'aventure et la découverte.
Alors, MERCI à toute l'équipe de l'organisation du RTSL qui permet à cette magie d'opérer.
Les Marocains sont adorables, nous sommes accueillis comme des princes. Tout est royal.
Dakhla apparaît, la piste est longue, facile. Il n'y a plus qu'à vérifier au sol qu'aucun caillou de la piste de Tarfaya n'a endommagé quoi que ce soit.
Ce soir c'est grand luxe à Dakhla, la douche est un autre bonheur. De plus, mon casque, cassé et réparé d'abord par Daniel et Pascal, puis par Nicolas et Pierre la veille du vol de Tarfaya, avec des brindillles trouvées sur le terrain et une colle magique, a tenu.... un de nos camarades peut ouvrir une boutique de réparation.
Demain, une autre aventure nous attend.
Voilà bien un voyage qui restera gravé dans nos mémoires, une fusion entre rêve et réalité, portée par des ailes de métal et ..... des nuages.
Yves & Véronique Jobic
Équipage 5 - Le Capitaine des Auxois
La côte infinie
Réparation de casque avec des brindilles
Océan à gauche et à droite, piste au centre
L'anecdote historique de Jean-Claude Nivet
Aujourd'hui, de Juby à Villa Cisneros, de Tarfaya à Dakhla, nous avons survolé, ou côtoyé le Cap Bojador. Regardez bien les cartes ou le GPS, nous sommes en novembre 1926 ...
"Oui, mais a-t-il de la chance ? ". Non, Erable n'en avait pas, c'est certain. Après une note de Didier Daurat du 11 juillet 1925 concernant une casse avion lors de son premier vol commercial entre Toulouse et Casablanca sur le Breguet n°115, Henri Erable est menacé de renvoi. Une intervention du député Bertrand et du général Bares auprès de Pierre G. Latécoère permettra la réintégration de ce pilote. Oui, Henri Erable, entré aux LAL le 9 avril 1924 n'a pas eu de chance, en réalité.
Et, qu’en pense Mermoz :
"Erable devait venir à Casa à ma place, ayant des costumes à se faire faire, et moi, je devais descendre à Dakar. Je serais remonté avec ce courrier-là ! En arrivant à Juby, il m'a demandé de remettre ce projet à la prochaine fois. Cela m'a sauvé. Tu vois que quand c'est écrit !..."
Jean Mermoz, lettre à sa mère du 3 décembre 1926
Découvrez et lisez bien cette lettre du 8 février 1927 de M. Cervera, en pièce-jointe, représentant des LAL, adressée à Pierre Picard, chef d'aéroplace de Cap Juby, un mois auparavant la capture de l'équipage uruguayens et le lendemain du premier vol de Saint-Exupéry sur le désert, avec Riguelle et Guillaumet, à lire et relire, sans modération, dans "Terre des Hommes". Celle-ci nous donne des détails sur les interprètes mais surtout nous indique que le survol du Sahara n'est pas un "long fleuve tranquille" : ... La débandade générale car tout le monde pense dire au revoir au Sahara vers cette époque"... Un élément important, certainement, dans la décision prise par l'Exploitation d'envoyer Saint-Exupéry en octobre prochain. La situation est catastrophique et toute à l'honneur de ce tout jeune pilote de la compagnie...
Mais revenons à notre sujet du jour, nous sommes, quelques mois auparavant, un certain 11 novembre 1926.
LA TRAGÉDIE DES SABLES : GOURP, ÉRABLE, PINTADO
La panne d’un avion est maintenant attendue dans les tribus dissidentes du Sud comme autrefois l’échouage d’un bateau pendant la tempête. L’espoir du pillage anime les rancunes, et les morts et blessures consécutives au dernier atterrissage de Georges Pivot, le 17 octobre dernier, n’ont fait qu’exciter les esprits.
Le 11 novembre 1926, deux Breguet XIV pilotés l’un par Léopold Gourp avec comme passager le mécanicien Lorenzo Pintado, l’autre par Henri Érable accompagné de l’interprète maure Ataf, décollent de Villa-Cisneros en direction de Cap-Juby.
Au niveau du cap Bojador, l’avion de Gourp est contraint d’atterrir en raison d’une simple panne d’arrivée d’essence au carburateur, obstrué par du sable. Selon les consignes, Érable pose son avion à côté de celui de Gourp, sur un bon terrain. Aucun Maure en vue. Le mécanicien Pintado estimant qu’il s’agit d’une panne bénigne, décide de réparer. Il est décidé de transférer le précieux courrier dans l’avion d’Érable, qui redécolle avec l’interprète. Mais, après 30 minutes, inquiet du sort de Gourp et Pintado et pris de remords, il revient survoler la zone et constate que l’avion est toujours cloué au sol. Il atterrit à nouveau, crève une roue et casse un plan inférieur…
À peine atterri, trois Maures, comme sortis de nulle part, se dirigent vers les avions. Ils envoient Ataf à leur rencontre. Après quelques palabres, l’interprète revient, suivi des trois Maures armés chacun d’un fusil Gras. Ils leur donnent l’ordre de marcher devant eux. À peine ont-ils obéi que, dans leur dos, trois coups de feu sont tirés. Érable tombe, tué d’une balle en plein cœur. Pintado, touché sous l’aisselle, a encore la force de demander à boire avant de succomber à son tour. Léopold Gourp, peu grièvement atteint par une balle entrée dans la fesse gauche et ressortie dans la hanche droite, se couche et fait le mort. Les bandits s’aperçoivent rapidement de son simulacre et se précipitent sur lui pour le tuer à coups de poignard. Ataf intervient et réussit à sauver Léopold, en décidant ses assassins à le négocier à Cap-Juby. Après avoir déshabillé et détroussé les victimes, pillé et incendié les avions et chargé Gourp sur un chameau, la caravane part, abandonnant sur place les corps d’Érable et de Pintado.
Le courrier venant de Dakar n’étant pas arrivé à Juby dans un temps normal, les pilotes Éloi Ville et Jean Mermoz partent à la recherche des avions et des équipages. Ils ne peuvent que repérer les deux avions brûlés côte à côte, au cap Bojador, hélas sans trace de leurs valeureux compagnons.
Prévenu de l’attaque par une lettre de Gourp qui lui est remise par Ataf, le colonel de la Peña, nouveau gouverneur de Cap-Juby, réunit quelques partisans qui, sous la conduite du Maure Salah — un ancien interprète précédemment renvoyé par le gouverneur de Juby mais auquel il est fait appel pour la circonstance — partent, porteurs de vivres et de médicaments. Salah est également chargé de négocier le rachat des prisonniers pour 1 000 douros.
Du 11 au 19 novembre, Gourp supporte son douloureux et sublime calvaire à travers le désert, privé de force. Rongé par la gangrène et la fièvre, il se laisse tomber de son chameau après avoir absorbé un flacon de teinture d’iode se trouvant dans la boîte à pharmacie amenée de Juby. Léopold appelle la mort de toutes ses dernières forces et l’attend.
Touché par ce drame, Salah part seul et arrive dans la matinée du 21 au fort de Juby, où il rend compte de la situation dramatique. À 14 h 30, les deux pilotes présents à l’escale, Edmond Lassalle et René Riguelle, partent chacun dans un avion à la recherche de Gourp dans le désert, sous la conduite de Salah, accompagnés du mécanicien Alphonse Moreau.
Après un vol, un atterrissage et un retour émouvants dans leur héroïque beauté, ils ramènent Gourp vivant à Juby ce même jour à 16 h 15. Le médecin du fort s’occupe aussitôt de sa blessure. La gangrène s’est déjà déclarée dans la jambe droite. Il est très faible et ne peut donner les détails de l’attaque. Souffrant terriblement, il est veillé jour et nuit par ses compagnons, tous animés par de profonds sentiments de camaraderie et de solidarité.
Son état s’améliore, il ne souffre plus de sa jambe ; il est seulement gêné par une angine tout juste déclarée. Il devient transportable en avion le vendredi 3 décembre. Léopold Gourp est transporté, par le pilote Raoul Vareille, à l’hôpital de Casablanca dans le tout nouveau Laté 17 à moteur Gnome & Rhône Jupiter, où il est pris en charge par le docteur Pérard.
Le pilote Henri Guillaumet, embauché sur la Ligne depuis le 16 février et arrivé d'urgence en passager depuis Casablanca avec ce Laté 17, reprendra le courrier du Sud pour l'acheminer à Agadir, faisant ainsi la découverte du Casa-Dakar. Le courrier sacré doit passé.
À son arrivée, Gourp trouve la force d’écrire une lettre à ses parents pour leur relater les circonstances du drame. Son frère, aviateur militaire, lui rend visite. Le lendemain après-midi son état empire. Le docteur Besson, laryngologiste, et le médecin de garde restent impuissants devant l’évolution fatale du mal. Il est emporté en quelques heures par la forme gangréneuse fulminante prise par l’angine. Il décède le 5 décembre à 2 heures du matin.
De nombreuses versions existent sur cet évènement, romancées pour la plupart, mais comment faire autrement. Mais, lisez attentivement le rapport qui suit, écrit par Jean Mermoz lui-même...
JEAN MERMOZ : Circonstances de la mort de GOURP et ÉRABLE.
Le 11 novembre 1926, le courrier Dakmer 10.11/26, piloté par Gourp, avion 303, passager mécanicien Pintado.
Dakmer bis 10.11/26, piloté par Erable, avion 196, passager interprète maure Hattaf, part de Villa Cisneros en direction de Juby à 5 h 50. A 8 heures, une panne d’alimentation d’essence (obstruction d’un tuyau d’arrivée d’essence au carburateur par du sable) contraint Gourp à atterrir aux environs de Cap Bojador. En exécution des consignes, Erable atterrit à côté de l’avion de Gourp, sur un bon terrain. Aucun Maure en vue, Gourp, aidé du mécanicien Pintado, constate le peu de gravité de la panne et décide de réparer, mais auparavant de faire continuer le courrier postal dans l’avion d’Erable. D’accord sur ce point, les deux équipages chargent le courrier dans l’avion disponible et Erable décolle, ayant Hattaf comme passager.
Inquiet du sort de Gourp et des responsabilités encourues par son départ, Erable revient survoler l’avion de Gourp et décrit de larges orbes au-dessus. Constatant que Gourp ne repart pas, il atterrit à nouveau, crève une roue et casse un plan inférieur. Apercevant un groupe de trois Maures qui se dirigent vers l’avion, Gourp et Erable envoient Hattaf à leur rencontre. Après un bref entretien, celui-ci revient suivi des trois Maures, armés chacun d’un fusil Gras. Dès leur approche du groupe les Maures menacent de leurs fusils Gourp et Erable et Pintado et leur donnent l’ordre de marcher devant eux. A peine ont-ils obéi, que trois coups de feu sont tirés. Erable tombe, tué sur le coup, Pintado mortellement blessé, Gourp peu grièvement atteint par une balle aux fesses se couche et fait le mort. Les bandits s’aperçoivent rapidement de son simulacre et se précipitent sur lui pour le tuer à coups de poignard. Hattaf intervient et réussit à sauver Gourp, en décidant ses assassins à le négocier à Cap Juby.
La caravane repart, après avoir pillé et incendié les avions et en abandonnant sur place les corps d’Erable et de Pintado. Du 11 au 19 Gourp est transporté à dos de chameau à travers le désert, mais privé de forces il ne peut continuer la route. Ils le laissent tomber de son chameau après avoir absorbé un flacon de teinture d’iode que lui avait apporté de Juby le Maure Salek (notre ancien interprète renvoyé sur la demande du gouverneur de Juby). Salek part seul à Juby où il arrive dans la matinée du 21 et rend compte de la situation de Gourp. A 14 h 30, les deux pilotes présents, Lasalle et Riguelle, partent, chacun dans un avion, à la recherche de Gourp dans le désert sous la conduite de Salek et accompagnés du mécanicien Moreau.
Gourp est retrouvé et ramené à Juby le 21 à 16 h 15.
Toulouse, le 26 décembre 1926.
Jean MERMOZ.
UN TEMOIGNAGE POIGNANT
Quelques mois après l’assassinat de Gourp, Érable et Pintado, Mermoz ne pouvait admettre que les restes de nos camarades ne fussent pas ramenés en France. Aussi, un matin, il partit seul, ne voulant emmener personne avec lui, bien que nous fussions tous volontaires pour l’accompagner. Après avoir atterri à l’endroit où le drame avait eu lieu, il ne trouva qu’une touffe de cheveux d’Erable, qui était blond, et un morceau de support-chaussette, qu’il envoya à la famille.
Paul-Henri-Victor NUBALDE
Photo de groupe avec Gourp
JEAN MERMOZ - CORRESPONDANCE - 1921 – 1936
Juby, 10 novembre 1926
... J'ai beaucoup de tracas en ce moment car en plus de Dakar, je fais l'Espagne, ce qui va un peu me remettre à flot, et me faire oublier la malencontreuse déception que j'ai eue et ses désastreux effets pécuniers. On m'a payé mon fixe moins 100 francs pour mon mois de maladie. Je n'ai donc rien à dire. Seulement, j'ai su en douce que ma proposition à la Légion d'honneur, pour le jour de l'an, était remise à l'année prochaine : la cause étant mes intentions d'avoir voulu quitter la maison. ce que je m'en fiche ! Il paraît que je devrais partir en Amérique pour avril. Naturellement, c'est la chose qui me retient maintenant. On m'a redemandé à la Compagnie Internationale ! Celle où j'avais fait le jour quand je me suis trompé de lettre !!
A Casa rien de neuf... [...] Mon Amilcar file toujours tel un bolide et mes amours, ma foi, font aussi du 100 à l'heure... Je ne me ressens plus de mon nez ... Je prends plus irrégulièrement des inhalations... enfin, la vie et les années passent... qu'est-ce que tu veux, ma petite maman chérie, je vieillis...
Casa, 20 novembre 1926
Ma petite maman chérie,
Je m'en retourne demain sur Dakar et avant de partir, pour que tu ne t'inquiète pas, je me dépêche de t'envoyer un mot. Je t'avais écrit de Juby mais j'ai été obligé de mettre la lettre à Oran, ayant dû aller avec une nouvelle limousine spéciale conduire le prince Murat à Alger, le jour même de mon arrivée. j'en suis revenu hier et je garde le souvenir d'un nouveau beau voyage que je ne connaissais pas.
Tu as dû voir certainement sur les journaux que nous n'avons guère de chance sur Dakar en ce moment. Deux bons camarades de moins... atterris en panne, ils sont tombés sur une dizaine de pillards maures, qui les ont abattus avant qu'ils aient pu grimper dans le second appareil qui venait de se poser pour les prendre, et qui est resté sur place à son tour. Pars avec mon coéquipier à leur recherche quelques heures après, ce dernier tombe à son tour en panne à trente kilomètres de l'endroit où se trouvaient les deux autres. J'ai pu me poser rapidement et l'enlever au nez des Maures qui survenaient. Deux jours après, un autre camarade tombe en panne... Poursuivi par les Maures, il a pu arriver heureusement au deuxième appareil qui s'était posé à deux kilomètres de là et rentrer à Juby... C'est donc assez sportif en ce moment. Mais rassure-toi. la malchance a voulu que toutes les pannes se passent au même endroit là où se trouvaient les bandits maures, lesquels, traqués par les autres, filent à toute allure maintenant dans l'intérieur où nous n'allons jamais, ce qui fait que nous allons être tranquilles à nouveau. j'ai tenu à te mettre au courant parce que d'abord les journaux déforment tout et comme on ne doit pas mettre le nom des pilotes, tu aurais pu supposer qu'il m'était arrivé quelque chose.
Le prince Murat est administrateur des lignes Latécoère depuis peu de temps en Amérique du Sud, m'a confirmé l'ouverture prochaine de la ligne là-bas, et que j'y étais désigné. Sans cela, je suis décidé à changer de secteur pour le commencement du printemps, mais bien décidé. Nous attendons du matériel nouveau avec impatience, car en ce moment, ce n'est pas brillant ; ceci entre nous.
[...] Enfin, ma petite maman, si je m'en vais en Amérique, probablement à bientôt.
Ton Jean te serre de toutes ses forces dans ses bras et t'embrasse bien tendrement comme il t'aime.
Mermoz.
Ajouter un commentaire